Vers l’interdiction des forages de gaz et de pétrole en mer ?

Pour la première fois, et sur l’impulsion de Marie Toussaint, 63 parlementaires européen.ne.s de 5 groupes politiques demandent à la Commission européenne d'organiser la sortie de l'exploitation offshore des énergies fossiles au large de l'Union européenne.

53 installations offshore en 10 ans, 556 au total dans l’Union Européenne

À l’échelle mondiale, l’exploitation fossile en mer est encore largement présente, puisque 30% du pétrole mondial et un quart du gaz proviennent des installations offshore. Pourtant, les scientifiques sont clairs : si nous voulons respecter l'Accord de Paris et contrer le dérèglement climatique, il nous faut laisser les énergies fossiles sous les sols. Alors que l’Union Européenne met en place son Green Deal, alors que les Etats du monde s’apprêtent à négocier cette année de nouveaux objectifs de protection de la biodiversité lors de la COP15 à Kunming, l'Union Européenne doit être cohérent, respecter ses engagements, et donc mettre fin aux exploitations de fossiles offshore.

Et pourtant… entre 2010 et 2019, 43 installations offshore ont été construites dans la mer du Nord, et 10 dans la mer Méditerranée, principalement dans l’Adriatique : c’est 10% du total des installations encore en activité dans l’UE (556) !

L’Union Européenne doit organiser dès aujourd’hui la sortie de l’exploitation des énergies fossiles en mer : en se dotant d’un calendrier précis, et en réglementant le démantèlement des plateformes.

Des impacts dramatiques sur l’environnement et la biodiversité

Malgré l’importance majeure de l’exploitation en mer d’énergies fossiles, très peu de données sont disponibles pour évaluer l’impact de ces installations sur le climat et la biodiversité. Aucune étude systémique à l’échelle mondiale n’a été menée pour déterminer les quantités de gaz à effet de serre, notamment de méthane, qui proviennent de ces plateformes. Pourtant, quand des prélèvements sont effectués localement, les résultats sont souvent bien supérieurs aux estimations faites en amont de la construction des installations en mer.

En cas d’accident, l’impact sur l’environnement est bien sur plus évident : en 2010, lorsque la plateforme de BP « DeepWater Horizon » a explosé, on a estimé qu’au moins 800 millions de litres de pétrole d’étaient déversés dans le Golfe du Mexique. Chiffre en réalité sous-estimé de 30%, selon une étude de l’Université de Miami. Le pétrole se serait propagé sur une surface plus large, mais surtout, plus en profondeur, jusqu’à 1,3 kilomètres de fond... Et les impacts sur la biodiversité se font encore sentir aujourd’hui, des années après la catastrophe, puisqu’elle continue à exposer de nombreux mammifères et espèces marines à des niveaux potentiellement létaux d’hydrocarbures.

De plus, la biodiversité marine est également touchée par la pollution sonore liée aux travaux et à l’extraction des énergies fossiles.

Des lobbies confortablement installés

Malgré les conséquences et les dangers posés par les plateformes en mer, leur large présence dans l’Union européenne n’est pas le fruit du hasard. Avec 251 millions d’euros dépensés depuis 2010 (selon Corporate Europe Observatory), les 5 plus grandes compagnies pétrolières mondiales sont parmi les plus actives pour influencer les décideur.e.s européen.ne.s, à l’instar de Shell, premier producteur de gaz et pétrole en Europe... basé aux Pays-Bas. Shell conduit une majorité de son activité pétrolière en mer, notamment en mer du Nord. Or, depuis 2014, l'entreprise a rencontré des officiels de la Commission 2 fois par semaine, et avec 4,5 millions d’euros dépensés chaque année en lobbying à Bruxelles, elle se place 3e après Google et Microsoft.

Prévoir la sortie de l’exploitation des énergies fossiles en mer

Suite à l’accident du DeepWater, l'Union européenne a adopté en 2013 une réglementation (une « Directive ») pour encadrer l’exploitation des énergies fossiles en mer.

La récente évaluation de cette Directive, en novembre 2020, pointe de nombreuses défaillances dans sa mise en œuvre, notamment un manque d’harmonisation des mécanismes de responsabilité en cas d’accident. Nous avons besoin d’un cadre de responsabilité civile et pénale sur toute l’Union européenne, et pour tous les dommages. À cette fin, il est nécessaire de reconnaître les dommages environnementaux purs et de renverser définitivement la charge de la preuve de sorte à ce que ce soit les opérateurs eux-mêmes qui aient pour devoir de prouver l’inoffensivité de leurs actions. L’évaluation pointe aussi l’affaiblissement du nombre de contrôles et inspections, malheureusement peu surprenante, inspections et contrôles étant en diminution en général pour les installations industrielles ; or, elle souligne que le nombre d’accidents et en particulier de rejets involontaires, a dramatiquement augmenté entre 2016 et 2018. En choisissant de ne pas réviser la Directive, la Commission choisit donc de ne pas garantir la sûreté des eaux européennes. Elle tourne aussi et surtout le dos au climat et au respect des fonds marins. 

Pour toutes ces raisons, il est urgent de réviser la Directive et de saisir cette occasion pour, enfin, mettre un terme à l’exploitation offshore de gaz et de pétrole dans l’UE ! C'est ce que nous demandons aujourd'hui à la Commission Européenne, avec 63 parlementaires européen.ne.s.

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