Retraites : Pourquoi il faut rejeter ce projet - L’Édito Justice du 25 janvier 2023

Parce qu’il prolongera le temps travaillé d’un grand nombre de personnes déjà usées jusqu’à la corde. Parce qu'il creusera les disparités d'espérance de vie entre les plus riches et les plus pauvres. Parce qu’il promeut une vision dans laquelle les plus aisés auront recours à des complémentaires privées et les plus pauvres seront contraints à quémander un minimum de dignité. Parce que le corps des humbles s'abime au travail. Parce que la prison des inégalités de genre ne peut voir son empire étendu par une réforme inique alors même que les féministes bataillent partout sur la planète contre les discriminations. Parce que nos vies comptent. Parce que le temps est l'un des communs les moins bien partagés, et que le repos des uns est le plus souvent bâti sur la sueur des autres, nous avons toutes et tous une bonne raison de nous mobiliser contre le projet de réforme injuste défendu par le gouvernement.

On nous dira que nous ne sommes pas raisonnables, pas responsables, pas lucides sur les déficits. On nous fera mille fois la leçon pour nous forcer à accepter une logique qui n'est pas la nôtre. Et nous ne bougerons pas. Pas par dogmatisme, mais par réalisme. Ils nous jetteront des chiffres discutables à la figure, et nous nous souviendrons des vies cassées à travailler. Nous nous souviendrons de celles et ceux que nous avons pour mission de défendre. Nous ferons la démonstration qu'une autre réforme est possible.


Non, aucun des arguments remâchés et des éléments de langage rabâchés par les gardiens de la macronie n'emporte notre adhésion. Parce que nous sépare, au fond, une ligne de démarcation philosophique invisible mais réelle: le degré de prise en compte de la souffrance sociale.


Cette question prime sur les autres à nos yeux.


Voilà pourquoi la question des retraites est le trait d’union actuel entre les différentes forces progressistes, s’appellent-elles « de gauche » en particulier lorsqu’elles participent au jeu parlementaire et politique, « humanistes » lorsqu’elles protègent les droits humains fondamentaux et en particulier le droit à vivre au-dessus du seuil de pauvreté, « féministes » lorsqu’elles défendent les droits des femmes, « syndicalistes » lorsqu’elles défendent les droits des travailleurs (employés, comme non-employés), ou encore « clim’activistes », puisque le mouvement climat participe de bon cœur aux manifestations et à la sensibilisation en cours sur les retraites, rappelant au passage que les fonds amassés par les gestionnaires de retraite contribuent à financer les énergies fossiles. Et donc aussi « écologistes », qui nous battons pour la justice et la dignité.


De quoi sera fait demain ? Nous ne le savons pas. Mais nous savons que nous avons la responsabilité aujourd’hui d’associer, conglomérer et construire sur nos différents angles d’entrée pour construire un avenir plus solidaire, plus protecteur, enfin respectueux du vivant et des droits humains. Je veux croire que la bataille en cours peut être remportée, et devenir le point d'appui d'autres victoires. Je veux imaginer que la dynamique sociale accouchera d'une union de toutes les forces, qui dure et perdure. Qui change la donne politique et ouvre enfin la possibilité d’une transformation de la société en profondeur. Qui plutôt que de placer au sommet de son agenda une réforme injuste, réalisera que l’urgence est à la justice sociale et environnementale et que le climat ne nous attend pas.


À bon entendeur. Et bonne lecture.

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