COP26 - La France cesse le financement des fossiles à l’étranger, mais avec Macron, c'est encore GAZ à tous les étages !

Les négociations à la COP26 sont censées se terminer ce soir, la tension est encore à son comble sur l'insertion, ou non, de l'urgence d'en finir avec les énergies fossiles dans le texte final, et sur les financements que les pays riches (ne) souhaitent (pas) rembourser aux pays en développement au regard de leur responsabilité climatique.

Mais déjà, il est temps de tirer le bilan de l'action du gouvernement Macron pour le climat. 

Et s'il a fini, acculé de toutes parts, par la société civile mais aussi par tous ses alliés européens, par signer l'engagement de ne plus financer de projets gaziers et pétroliers à l'étranger à partir de la fin 2022, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'avec Macron, c'est gaz à tous les étages ! Explications.

Revenons en arrière. En mars 2019, quelques semaines à peine avant les élections européennes et en pleine mobilisation mondiale pour le climat, le Parlement européen décide de ne plus financer de projets gaziers à travers ses fonds régionaux. Manque de bol ! En juin 2021, le Parlement européen nouvelle mandature, au sein duquel c'est le groupe politique de LREM qui joue la charnière et fait pencher la balance, revient sur cet engagement et rouvre les vannes des fonds de cohésion au gaz !

C'est le Conseil des Etats-membres (pourtant traditionnellement moins progressiste que le Parlement) qui décidera que le Fonds de transition juste, consacré comme son nom l'indique à accompagner les territoires et les travailleur.e.s pour sortir des énergies fossiles, ne consacrera aucun euro public au gaz… car le Parlement, lui, souhaitait pouvoir y financer des projets gaziers ! Rappelons au passage que Pascal Canfin, élu LREM, y préside la commission environnement, mais vote pour ces compromis en séance plénière…

Voilà venu le temps des plans de relance, et rebelote ! Si la commission environnement se prononce dans un premier temps contre le financement de projets gaziers, la séance plénière entérine que ceux-ci pourront recevoir l’argent dégagé par ces plans de relance, avec les voix de Canfin et des autres representant.e.s d'Emmanuel Macron au Parlement européen.

Leur double jeu est terrible : car ils se positionnent en grands défenseurs du climat, pour céder à la fin, non pas sans expliquer que sans eux, le climat serait détruit… L'illustration la plus éloquente concerne sûrement les infrastructures énergétiques : alors que nous nous opposions à la liste des projets susceptibles de recevoir de l'argent public entre 2020 et 2022, car elle contenait des projets gaziers nous empêchant de respecter l'Accord de Paris, c'est encore une fois l'émissaire d'Emmanuel Macron (Canfin, sic) qui, tout en prétention, finit de convaincre son groupe d'accepter la liste proposée par la Commission car, dit il, il a obtenu la promesse que les projets seraient évalués en fonction de leur impact sur notre trajectoire climat… Résultat : la médiatrice européenne mais aussi l’Agence européenne des régulateurs de l’énergie (ACER) soulignent la faiblesse des tests de durabilité, en particulier sur les projets gaziers, qui devraient encore recevoir de l'argent public, privé, et des facilitations administratives non pas pour deux, mais au moins pour 4 ans (si ce n'est plus) : c'est le sujet de la #PCIlist et de la révision du règlement sur les infrastructures énergétiques en cours de discussion dont je vous parle ici.

Il existe deux raisons principales à ce double discours permanent de la majorité : Macron souhaite d'une part épargner le géant énergétique français Total et pouvoir continuer à soutenir ses projets en Arctique, en Afrique et ailleurs ; à ce titre, la signature arrachée de l'engagement à cesser de financer les projets climaticides à l'étranger devra prendre effet immédiatement et tout soutien français, financier ou diplomatique, retiré aux projets ArcticLNG2, EACOP ou Tilenga.

Mais ce n'est pas tout. Car la préoccupation d'Emmanuel Macron repose d'abord et surtout sur la volonté d'épargner les lobbies et pays pro-gaz : il ne faut surtout pas froisser ses alliés dont il a besoin, à Bruxelles, pour faire passer le nucléaire comme énergie dite “verte” et obtenir le soutien financier pour relancer cette industrie aux coûts extravagants. L’objectif donc : obtenir d’un côté la labellisation du nucléaire en tant qu’énergie “verte” au sein de la taxonomie européenne (qui devrait en théorie orienter les fonds privés), et de l’autre une réforme du marché européen de l’énergie favorable au nucléaire (là où les énergies renouvelables sont pourtant encore moins chères…).

Contrairement à ce que dit le président français, cette position est loin de faire l’unanimité en Europe : à la COP26, l’Allemagne, le Luxembourg, le Portugal, le Danemark et l’Autriche ont signé une déclaration commune demandant l’exclusion du nucléaire de la taxonomie verte. Ce ne sont pas les seuls, puisque même les représentants du grand capital, les grands investisseurs rassemblés au sein de la Net Zéro Alliance, ont appelé à ce que ni gaz, ni nucléaire ne soient intégrés aux actifs financiers labellisés comme "verts". La pression mise par la France sur la Commission européenne pour trouver les moyens de relancer le nucléaire est immense, et l'opération ne peut réussir qu'avec l'appui d'États bien peu préoccupés par le climat… ou par les libertés publiques, comme la Hongrie, la Pologne, la République tchèque ou la Roumanie.

Sur notre territoire, le gaz aussi a encore de beaux jours devant lui ! La centrale à gaz de Landivisiau, en Bretagne, supposée “dernière du genre”, doit être ouverte dans les mois qui viennent, malgré le retard qu’accuse le projet porté par TotalEnergie (encore!) et Siemens. Une centrale qui devrait bien plutôt être remplacée par de la production d’énergies renouvelables, mais que dire ! Un million de tonnes de CO2 par an devraient être émis par cette centrale si elle entrait en service, soit autant que 200 000 logements chauffés au gaz. En Moselle, la Française de l’énergie attend l’autorisation d’exploiter 400 puits de gaz de couche, répartis sur près de 200km2, leur lot de pollution de l’air, de l’eau et des sols, malgré nos appels répétés à n’octroyer aucun permis...

L’empathie du gouvernement envers les énergies fossiles n’a presque pas de limites. Ainsi, après s’être à nouveau targué de porter à bout de bras la transition du secteur automobile à travers de nouvelles réglementations européennes pour 2035, le gouvernement a également refusé à Glasgow de signer l’accord de 33 États et 11 producteurs engagés à ne vendre que des voitures « zéro-émission » d’ici 2040, et demandé des dérogations…

Il n’y a peut être rien d’étonnant à cela. Le gouvernement français se démarque par ses pratiques d’auto-greenwashing là où il est, dans les faits, entre les mains des lobbies “qui n’existent pas”, dixit le Ministre de l’économie Bruno Lemaire. Outre l’activité de lobbying de l’industrie nucléaire dont nous parlons ici, les ONGs ont pourtant révélé à plusieurs reprises le lobbying intense mené par les organisations des énergies fossiles et notamment du gaz, tandis que L’Observatoire des multinationales et Corporate Europe Observatory dénoncent une présidence française de l’Union européenne sous influence...

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