Lutte contre les écocides : L’avant garde écoféministe

Mercredi 29 mars, le Parlement européen a adopté sa position sur la Directive sur la criminalité environnementale, dans laquelle il somme les États-membres de reconnaître l’écocide dans leur droit pénal. Cette victoire historique, c’est d’abord celle de femmes puissantes, aux avant-postes de ce combat depuis de nombreuses années.

Des femmes puissantes aux avant-postes contre les écocides aujourd'hui comme hier.

Notre combat vient de loin. Dès 1970, des voix se font entendre pour demander un « accord international pour interdire l’écocide ». Olof Palme, Premier Ministre suédois l'a défendu lors de l’ouverture de la première grande conférence internationale sur l’environnement, à Stockholm, en 1972. Il dénonçait alors l’écocide en cours au Vietnam. Pendant ce temps, le terme d’écoféminisme faisait son apparition sous la plume de Françoise d'Eaubonne, et partout à travers le monde, des femmes s’organisaient contre les diverses armes toxiques dont évidemment l’arme nucléaire...

 

Depuis, le mouvement pour la reconnaissance des écocides a beaucoup été porté par des femmes puissantes qu'il faut saluer pour éviter qu'elles ne soient invisibilisées.

Je pense évidemment à la française Valérie Cabanes, mon amie, dont l’engagement sans faille force l’admiration ; la regrettée britannique Polly Higgins et son bras droit : Jojo Metha ; la docteure indienne Vandana Shiva, qui ne cesse de lutter pour les droits des femmes et de la Terre contre les multinationales et le régime patriarco-libéral ; l’incroyable Tran To Nga, franco-vietnamienne, qui surmonte la maladie pour affronter en justice Monsanto et les autres producteurs de l’agent orange ; la kényanne Wangari Maathai ou encore l’hondurienne Berta Caceres, assassinée parce qu'elle s'opposait à un mega-barrage...

 

Un combat écoféministe de longue date.

Toutes ne se revendiquent pas écoféministes, et pourtant. Les écoféministes ont, les premières, révélé le lien entre l’exploitation de la nature et la domination des corps humains et non-humains. Elles ont montré que la destruction des écosystèmes et l’asservissement des femmes appartenaient à une même matrice. Elles ont soulevé les liens entre le patriarcat et la course à la puissance essentiellement dirigée par des hommes, et à leur unique profit. Elles ont inventé les stratégies, déployé les combats et pensé les alternatives, pour sortir de ce modèle destructeur. La condamnation de ceux qui détruisent la Terre tout en asservissant les corps en fait évidemment partie.

Ainsi, ce sont souvent des femmes qui ont mené les batailles les plus puissantes contre les écocides du monde : des femmes qui se sont levées contre le nucléaire à Three Miles Islands ; Rachel Carson qui a tiré la première la sonnette d’alarme des écocidaires pesticides ; des femmes encore qui à Santo André, au Brésil, se sont soulevées contre la pollution atmosphérique causée par 11 usines appartenant à des multinationales ; les femmes de Kendeng qui en Indonésie s’opposent jusqu’à perdre leur vie à une usine de ciment qui détruira les montagnes...

Ce sont les écoféministes qui ont mis à jour la réalité crue d’une société patriarcale mortifère et ont, en particulier grâce au mouvement Green Belt au Kenya et Chipko puis Navdanya en Inde, éclairé sur la possibilité d’une société humaine qui reconnaîtrait enfin que le vivant fait partie de nous, qu’il a donc des droits et qu’il faut condamner ceux qui leur portent atteinte.

Aujourd’hui, ce sont des femmes encore qui, au Parlement européen comme au Conseil à travers les voix des Ministres belge Zakia Khattabi et finlandaise Maria Ohisalo, ouvrent aujourd’hui à inscrire, concrètement, et immédiatement, l’écocide dans le droit européen.

Désormais au niveau européen, il ne reste qu’une étape : convaincre les Etats membres de suivre la position du Parlement européen. Mais l’alliance de toutes ces femmes, engagées ensemble, nous fera gagner.

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