L’unité pour gagner la bataille des retraites - L’édito Justice du 1er mars 2023

Commençons par l'essentiel: le 7 mars doit être un succès. 

Ensemble, à l'appel des organisations syndicales réunies, nous devons nous mobiliser pour refuser le projet de réforme des retraites. Le front uni des organisations syndicales nous donne de l'espoir et du courage: il est plus difficile pour le gouvernement de manœuvrer quand il ne peut pas nous opposer les uns aux autres. Chacun, chacune a son rôle à jouer. 

La réforme des retraites veut empiéter sur les droits des travailleuses et des travailleurs : c’est la raison pour laquelle la place des syndicats dans cette bataille est centrale, et cette centralité indépassable. J'espère d'ailleurs que ce mouvement aidera à la re-syndicalisation du pays. Parce que le monde du travail doit retrouver de la force et de la voix. Puisse la mobilisation y contribuer, et inverser le rapport de force qui structure aujourd’hui les rapports sociaux.

Je crois que le combat que nous livrons fera date.

Nous vivons un de ces instants de cristallisation où peuvent se trouver explicitées les différences qui nous opposent à nos adversaires. Il est donc essentiel de marquer les esprits, dans un moment où, de proche en proche, tout le pays se trouve entrainé dans les travaux pratiques du déchiffrage politique des effets sociaux d'une réforme.

Nous devons à la fois démontrer les effets précis de tel ou tel article, et débusquer les présupposés philosophiques qui alimentent la réforme. Nous devons expliquer le tout par le détail. Bref, faire notre travail de politisation.

C'est l'occasion pour la gauche de renouer avec ses racines populaires, depuis longtemps désertées, et pour les écologistes d'expliciter le lien entre exploitation des humains et destruction de la nature. 

Pour nous, ce qui se joue aujourd’hui, c’est une bataille contre le productivisme, qui veut faire ployer encore et encore celles et ceux qui perdent leur vie à la gagner, et qui dans le même temps dégrade les écosystèmes pour satisfaire la rapacité sans fin des forces de l’argent. A nous de le démontrer en rendant évidents ces liens que le gouvernement s'obstine à masquer entre les différents volets de sa politique. 

Chaque famille politique de la gauche et des écologistes développera ses propres analyses et ses propres arguments, venant alimenter en confluences un seul et même front du refus. Toute notre énergie doit tendre vers cela. Voilà pourquoi je n'ai guère compris que nos différents tactiques sur la conduite à suivre à l'Assemblée Nationale soient exhibés en place publique. Dans la bataille des retraites, la division est notre ennemi le plus terrible. 

Quel agenda poursuivent ceux qui choisissent de nous tirer une balle dans le pied en saturant l'espace de commentaires peu laudateurs sur la Nupes? Je n'accepte pas que nos talents soient utilisés à nous entre-déchirer. Et pour le dire clairement, les qualités des camarades de la France insoumise sont souvent précieuses, mais mal utilisées quand Jean-Luc Mélenchon croit utile d'insulter l'intelligence politique de ses partenaires. D'autant que les arguments, par lui utilisés, pour défendre la stratégie choisie par une courte majorité de députées LFI ne sont pas convaincants. Personne ne m'ôtera de l'idée qu'Emmanuel Macron était ravi que l'Assemblée ne parvienne pas à l'article 7. Faire croire que la majorité LREM voulait voter sur l’article 7 est une distorsion de la réalité qui ne fait gagner personne, si ce n’est la défiance. Prétendre que la gauche sénatoriale refuse de faire voter l’article 7, quand elle prévoit précisément de mettre ce même article en débat le 7 mars, est une autre contre-vérité. Nous valons collectivement mieux que ça. Je ne fais pas plus long sur le sujet pour ne pas dévaler la pente que je condamne. Mais je veux écrire ceci: aucune force ne peut imposer à l’autre de lui obéir le doigt sur la couture du pantalon, en s'arrogeant le monopole de l'intelligence, ou de la colère.

On nous dit que la colère qui bout dans le pays doit trouver sa juste représentation à l’Assemblée? Certes. La fonction tribunicienne a son utilité. Pour ma part, je considère cependant que même les critiques les plus dures peuvent être adressées sans tonitruer. Ce n'est pas qu'une affaire de style, mais d'école de pensée. La mienne puise dans une longue tradition d'immersion au sein des classes populaires. Je ne prétends pas parler pour le peuple, mais je cherche à agir avec lui, ce qui est très différent. Or, j'observe depuis longtemps que celles et ceux qui voient pourtant sans cesse leurs droits et libertés rognés par le pouvoir restent dignes et, le plus souvent, calmes. Ces personnes auprès desquelles j'ai appris à militer refusent de faire quoi que ce soit qui alimenterait le flot de préjugés qu'on déverse sur eux à chaque fois qu'ils se battent pour leurs droits. Je n'y vois pas de la soumission, mais la connaissance intime des mécanismes de disqualification qui les frappent depuis toujours. Leur dignité et leur calme nous obligent. Si eux se tiennent à une discipline rigoureuse, nous pouvons le faire. Ce sont leurs voix auxquelles nous nous devons de donner de l’écho. Voilà pourquoi je pense que le spectacle nombriliste de notre radicalité en vase clos serait une erreur. Mais une fois encore, chacun sa culture, son histoire et ses choix. C'est ainsi et seulement ainsi que la Nupes peut avoir un sens. Non pas dans la caporalisation mais dans l'écoute réciproque.

Certaines et certains de nos collègues parlementaires appellent aujourd’hui à un Acte 2 de la Nupes. Je m'en félicite. J'ai notamment lu avec attention la contribution de Manon Aubry. À ce stade je veux déjà dire ceci: toute contribution sincère pour faire vivre l'alliance est bonne à prendre. Chaque fois que nous recherchons les convergences plutôt que la dislocation de nos communs politiques, nous faisons œuvre utile. Mais peut-être faudrait-il d'abord faire le bilan de l'acte 1, comprendre ce qui s'est joué, comment et pourquoi. Sinon, je crains fort que les raccourcis empruntés ne rallongent notre chemin vers la victoire.

Nous devons être en mesure de débattre sereinement des questions de fond et de méthode qui nous divisent. Dans le même ordre d'idée, il est indispensable de respecter les choix stratégiques de chacun des partenaires de la Nupes. Convaincre n'est pas forcer. Mais à chaque période sa tâche. Notre chemin passe pour l'heure par l’unité dans la bataille contre la réforme injuste des retraites. Soyons chacun responsables pour tous. Gagner requiert que l’intérêt général l’emporte sur le patriotisme de parti.

Précédent
Précédent

LA MEUF QUI ASSURE : Olympe de Gouges

Suivant
Suivant

Trois questions à… Philippe Grandcolas, auteur de "Le sourire du pangolin"