Agir sans plus attendre - L’édito JUSTICE du 21 juillet 2021

Une canicule en Sibérie. Des incendies en Californie. Un dôme de chaleur au Canada.

Puis des pluies diluviennes, des rivières devenues folles, des rues devenues fleuves...

Cent-soixante-cinq morts en Allemagne, trente-et-un en Belgique. Des disparus par dizaines. Des blessés par centaines. La désolation. Le bilan de ces dernières semaines est simplement glaçant. Les événements climatiques extrêmes tendent à devenir quotidiens.

Alors même que la concentration de CO2 dans l’atmosphère a augmenté de 50% depuis l’ère préindustrielle, alors même que la température s'est élevée en moyenne de 1,2°C, alors même qu'il faudrait une riposte mondiale, les politiques publiques demeurent engluées dans l’immobilisme, comme si nous avions le temps. On a beaucoup salué les avancées de la loi climat européenne. Chaque pas compte. Mais la lucidité nous conduit à dire la vérité : la loi climat européenne n'est pas à la hauteur.

Pour preuve, la trajectoire visée par le texte ne respecte même pas l’Accord de Paris puisqu'au lieu de la nécessaire réduction de 65% des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, il fixe à l'objectif à -55%, le tout par le truchement d'un calcul hasardeux qui intègre les puits de carbone. Nos consciences progressent à dos de tortue, tandis que la catastrophe chemine à vive allure. A aucun moment la loi climat n’envisage de sortir du carcan mental qui nous a conduit tout droit à la catastrophe climatique. Le modèle productiviste et le choix du "tout marché" demeurent les boussoles absolues. On évite donc soigneusement d’imaginer des mesures nationales contraignantes.

Les États prennent-ils la mesure de leur responsabilité ? Rien n’est moins certain.

En France, la loi Climat et résilience vient d'être adoptée par un vote solennel. Elle est marquée du sceau de l’indigence. La déception est d'autant plus grande qu’un processus démocratique inédit, la Convention citoyenne pour le climat, avait donné naissance à un espoir à la hauteur de l'urgence. Le texte, au lieu de reprendre les propositions formulées, révèle une fois de plus le manque d'ambition du gouvernement. En effet, la loi adoptée dans la douleur, ne permettra même pas à la France – pourtant déjà condamnée pour inaction climatique – de respecter son objectif d’au moins 40% de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Et ne parlons même pas de l’accompagnement social de la transition, qui demeure le point aveugle de la politique conduite. Au fond, le gouvernement n’a tiré de leçons ni du mouvement des gilets jaunes ni des mobilisations pour le climat : les mouvements sociaux ne l’interpellent que pour ce qu’ils produisent de désordre, et pas pour les revendications de changement dont ils sont porteurs.

Demain, il faudra une nouvelle majorité, à l’écoute des mouvements de la société mobilisée. La transition écologique ne pourra pas se construire autrement.

Tout converge désormais pour souligner l’urgence absolue de politiques nouvelles en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Le GIEC depuis longtemps nous alerte. La voix de l’Agence Internationale de l’Energie vient de se faire entendre avec force et clarté, pour dire que les émissions de CO2 devraient atteindre un niveau inédit d’ici à 2023. Alors qu’attendons nous ?!

L'écologie ne progressera pas sans que les écologistes accèdent aux plus hautes fonctions. Dans l’Allemagne voisine, meurtrie par des inondations qui démontrent aux citoyen·nes que le changement climatique n'est pas une menace lointaine, cette question a pris une place centrale dans le débat des élections générales du 26 septembre prochain. La candidate verte Annalena Baerbock porte les espoirs de celles et ceux qui ne veulent plus regarder ailleurs et se condamner au pire à force d'inaction. En France, l'année 2022 verra se dérouler une présidentielle et des législatives. Les deux échéances sont majeures. Je plaide pour une présidence écologiste appuyée sur une majorité plurielle convaincue de la nécessité d’engager la transition écologique dans la justice sociale. Que les choses soient claires : verdir le discours politique ne suffira pas. L'urgence écologique n'a pas besoin de larmes de crocodiles. Elle demande des actes.

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