COMMUNIQUÉ : Un accord arraché de justesse pour la lutte contre les procédures baillons, mais un texte à minima

Ce mercredi 29 novembre, le Conseil, la Commission et le Parlement se réunissaient pour conclure les négociations relatives à la nouvelle directive sur la lutte contre les poursuites stratégiques altérant le débat public, mieux connues sous le nom de “procédures baillons”. Après d’intenses et dures négociations, un accord a été obtenu de justesse entre le Parlement et le Conseil mais le texte reste très décevant et largement en deçà des attentes de la société civile.


Pour Marie Toussaint : “L’UE a manqué une opportunité unique de mettre fin à la multiplication des poursuites stratégies et intimidations en tout genre exercées par des acteurs puissants pour harceler et réduire au silence ceux qui s'expriment dans l'intérêt public. Si l’adoption d’une directive à ce sujet est en soi une bonne nouvelle et constitue une avancée majeure puisque pour l'instant aucun État membre ne dispose de législation à ce sujet, l’accord trouvé hier reste très décevant. Le Parlement s’est confronté à une vive opposition du Conseil sur deux points clés du texte: la définition de son champ d’application et la compensation des dommages pour les victimes. D’un côté, la directive ne couvrira uniquement que les cas transfrontaliers avec une définition stricte et restrictive de l’approche transfrontalière. Ce qui signifie en somme qu’un nombre très réduit de procédures seront couvertes par le texte et limite de facto la portée des mesures de protection et garanties procédurales introduites dans le texte. De l’autre, les Etats membres ont refusé catégoriquement d’intégrer une obligation de compenser les dommages pour les victimes de procédures baillons. Alors que nous appelions à harmoniser les mécanismes d’indemnisation à l’échelle européenne, ceux-ci sont laissés à l’entière discrétion des Etats membres, pouvant conduire à des disparités importantes. La compensation des dommages à la fois financiers et moraux est non seulement cruciale pour les victimes de SLAPP mais aussi indispensable dans un objectif de dissuasion pour les personnes à l’origine de ces procédures.

Les victimes des procédures baillons sont celles qui ont un rôle de surveillance et de protection des droits fondamentaux : les journalistes, les activistes et défenseurs environnementaux, les associations informelles, les universitaires, les syndicats, les organisations de médias et les organisations de la société civile. Et les exemples sont nombreux et de plus en plus fréquents: les procédures à répétition lancées par le groupe Bolloré et Socfin contre des médias comme Mediapart, L'Obs, Le Point mais aussi des ONGs telles que Sherpa et ReAct, ou les récentes procédures intentées par les multinationales Shell et Total à l’encontre de Greenpeace.


Malgré cette déception de taille, nous avons réussi à maintenir et intégrer des dispositions qui aideront les victimes, avec l’ajout notable de dispositions assurant un soutien financier et psychologique aux victimes, des mesures relatives à la transparence et à la sensibilisation sur les procédures baillons ou encore l’obligation pour les Etats membres de collecter des données sur le sujet. Nous avons aussi renforcé les garanties procédurales pour les victimes: mécanisme rapide de rejet lorsque la procédure est manifestement infondée, procédures accélérées, sécurité financière, charge de la preuve reposant entièrement sur la personne à l’origine de la procédure abusive.

Bien qu’imparfait, ce texte reste une première pierre à l’édifice pour mieux protéger les personnes qui s’expriment dans la défense du débat public, des valeurs démocratiques, des droits humains et environnementaux, et il vient compléter l’arsenal juridique de l’UE près de quatre ans après l’adoption de la Directive sur les lanceurs d’alerte.

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