Justice climatique ! - L’édito JUSTICE du 3 novembre 2021

Cette fois c’est sûr, ma newsletter n’a jamais aussi bien porté son nom. Car pour cet edito de début de COP26, c’est bien de Justice que je souhaite vous parler.

Justice. Celle du respect des engagements. Celle qui entraine de manière croissante la condamnation des états qui n’agissent pas, comme avec l’Affaire du siècle. Celle qui doit conduire les états plus grands émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre à revoir leurs copies : car les contributions nationales aujourd’hui sur la table nous mènent bien loin de l’Accord de Paris, tout droit vers un réchauffement de 2,7°C... Et de plus de 4°C en Afrique pourtant si peu émettrice de gaz à effet de serre, puisqu’elle ne représente que 4% des émissions mondiales. La justice, celle qui requière comme convenu l’action immédiate. La justice, celle d’un monde qui avance là où, en matière climatique, toute stagnation vaut recul... et millions de vies humaines et non-humaines bouleversées. On ne négocie pas avec le climat, et certainement pas reports et délais.

Justice. Celle qui devrait nous mener à briser une bonne fois pour toute la fracture Nord-Sud. Celle qui devrait nous conduire à ne plus parler d’« aide » au sujet des 100 milliards promis et pourtant non atteints pour le déploiement de solutions vertes et d’adaptation dans les pays en développement, mais bel et bien de « dette » : la dette climatique des pays occidentaux qui ont assis leur croissance sur la destruction des conditions de vie des plus précaires. La justice, qui devrait nous amener à écouter Vanessa Nakate, à la Une du Times et à l’honneur dans cette newsletter, militante écologiste ougandaise qui crie au monde que, contrairement à l’eau qui se raréfie, le pétrole ne se boit pas ! À entendre Hilda Flavia Nakabuyé, qui crie à l’arrêt des projets EACOP et Tilenga déployés par Total en Afrique de l’Est avec le soutien du gouvernement d’Emmanuel Macron, qui nuira à 32 réserves naturelles, entraine déjà des déplacements forcés de populations, et devrait entrainer l’émission de 33 millions de tonnes de CO2 chaque année, nuisant fortement au sauvetage du climat. À répondre à la militante féministe argentine Nicki Becker, qui pointe du doigt la dette financière encore due par les pays des Suds envers les organismes financiers des pays les plus pollueurs, et qui entrave l’action locale pour le climat. Justice, qui doit nous conduire à regarder de face les conséquences de l’inaction des pays développés sur les pays en développement : des catastrophes naturelles plus nombreuses et plus dévastatrices, des conflits démultipliés par la crise climatique (un tiers des conflits ont succédé à une catastrophe naturelle depuis 1980), une baisse des rendements agricoles ou encore la démultiplication des pandémies. Justice, qui doit nous conduire à revoir toutes nos estimations de « budget carbone » pour tenir compte de l’égale dignité de chacune et chacun autour de cette planète, et nous impose l’action.

Justice. Celle que nous nous devons aussi d’assurer dans le cadre de l’action pour le climat dans les pays occidentaux. Le mouvement des gilets jaunes en a montré l’urgence : l’effort pour le climat ne peut toujours reposer sur les mêmes, celles et ceux qui polluent le moins et polluent de moins en moins (voir l’étude récemment publiée par Lucas Chancel et le World Inequality Lab) tandis que les plus riches ont une empreinte carbone de plus en plus élevée. Il y a urgence à mettre en place des politiques climatiques justes socialement, qui sont aussi les plus efficaces, et les moins indécentes. Ainsi, la 19e pollueuse mondiale TotalEnergies s’assoit déjà sur plus de 10 milliards d’euros de bénéfices nets en 2021, en misant sur une consommation toujours plus importante d’énergies fossiles, tandis que la facture énergétique des ménages explose et que le gouvernement préfère soutenir l’accroissement des capacités gazières de l’Union européenne (en échange d’un soutien des gouvernements climato-réticents au nucléaire, dont l’équilibre financier dépend entièrement du soutien des contribuables européens...) plutôt que de miser sur les économies d’énergies et les renouvelables moins chères et plus rapides à déployer. Justice, celle qui doit guider l’action pour le climat.

Justice. Celle qui doit aussi et enfin nous amener à reconnaître et condamner, pour mieux les prévenir, les écocides, ces graves crimes contre la planète dont le dérèglement climatique fait indéniablement partie. 100 firmes seulement sont responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre entre 1988 et 2015, alors qu’elles avaient connaissance des conséquences climatiques de leurs stratégies de développement (à cet égard, n’oubliez pas de vous rendre sur totalment.fr pour dénoncer l’inaction de Total malgré sa connaissance des conséquences climatiques de ses actions dès... 1971). Ces 100 firmes quasi-dénuées de toute obligation pour le climat, et dont les institutions judiciaires peinent aujourd’hui à établir la responsabilité financière vis-à-vis des dommages qu’elles ont causés... (Olivier de Schutter et Alice de Mogwe reprennent d’ailleurs notre appel), tandis que des tribunaux d’arbitrage et accords d’investissement comme le Traité sur la Charte de l’énergie leur promettent encore impunité et perspective de croissance à l’avenir. Glasgow doit être le moment d’une prise de conscience et d’une évolution des règles qui nous gouvernent : nul.le ne doit plus jamais être autorisé à commettre l’écocide.


Les trans-humanistes gagnent du terrain. Les milliardaires déploient des efforts titanesques pour se procurer des refuges hors-Terre. Les gouvernements promettent des solutions technologiques aujourd'hui largement imaginaires pour mieux reporter une action pourtant déjà possible. Avec Yannick Jadot, nous avons appelé à la sortie immédiate des énergies fossiles ; y compris du gaz dont le gouvernement soutient pourtant le déploiement. Nous mènerons cette bataille chaque jour avec la plus grande détermination. Parce que nous avons conscience que notre destin est lié à celui de la planète : nous faisons partie du vivant et ne pouvons continuer à agir et penser comme si ce n'était pas le cas.

 

L'une des premières choses à faire ne serait-elle pas de sortir immédiatement des forages de pétrole et de gaz en mer ? Notre appel avec des femmes engagées pour le climat et les océans.


Depuis 9h22, les femmes travaillent bénévolement, du fait de l'inégalité salariale. Engageons-nous ensemble à mettre fin à l'injustice.

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