Trois questions à... Frédéric Hache, directeur de Green Finance Observatory

Qu’est-ce que la « financiarisation de la nature » ?

C’est la transformation d’un choix politique en instrument spéculatif. Il s’agit, au lieu de mettre en place des mesures qui imposent de ne plus détruire la nature et les écosystèmes, d'octroyer des permis de détruire en échange de pseudo restaurations ou de plantations d'arbres, permis qui peuvent être achetés ou vendus. Par exemple, un fonds d’investissement qui investit dans le pétrole et achète en parallèle ces permis, appelés crédits carbone, pourra dans certains cas se faire passer pour un fond d’investissement vert, mais en pratique il n’émet pas moins de CO2.

Comment donne-t-on un prix à ce qui est détruit ?

Pour ça on reconceptualise la nature comme un ensemble de services qui contribuent au bien-être humain. C’est une vision très simpliste, utilitariste et autocentrée: on parle de services écosystémiques. Concrètement, c'est souvent fait à partir d'enquêtes, où on vous demandera par exemple combien vous êtes prêts à payer pour que les volcans d'Auvergne existent encore l'an prochain, et partir de là on déduira leur "valeur", et donc le prix de leur destruction.

Quelles sont les conséquences de cette financiarisation de la nature ?

Au delà du fait qu’on continue de détruire la nature, ce sont les atteintes aux droits humains fréquemment liées aux projets de compensation. Les projets de plantations d'arbres comme puits de CO2 ont en effet souvent lieu dans les pays pauvres, et sur les terres autochtones où la terre n'est pas chère et les droits de propriété pas toujours formalisés. L’autre conséquence de cette course à la compensation c’est qu’on ne remet à aucun moment en question le modèle économique et la croissance: on accepte l’idée de détruire à condition de payer pour cela.

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"Face à l’urgence de l’érosion de la biodiversité, nous devons reconnaître les droits de la nature!" - Notre tribune dans le JDD

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