COP26 - Greta, la compensation "blablah" ou pourquoi nous ne croyons pas en la rédemption des forces de l’argent

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La #COP26 n’est pas une COP comme les autres : afin de (donner l’impression de) répondre au défi climatique, les chefs d’états se détachent des strictes négociations liées à la mise en œuvre de l’Accord de Paris (ce qu’on appelle le « rulebook ») pour prendre de multiples engagements liés aux différents secteurs d’émissions de gaz à effet de serre.

Et ces engagements sont bienvenus ! Le hic : ils sont plus que faibles !

Ainsi :

- l’Indonésie s’est déjà détournée de l’accord signé sur la fin de la déforestation pour 2030, tandis que la France avait promis de mettre fin à la déforestation importée d’ici... 2020. L’année dernière. Évidemment, cet engagement aussi signé par le Brésil de Bolsonaro est sans contraintes aucunes, tandis que l’Europe s’apprête à adopter un texte législatif très, très faible sur le sujet...

- l’accord signé sur le méthane souffre des mêmes faiblesses : alors que le modèle agro-alimentaire est responsable de 50% environ des émissions au niveau mondial, les plus grands émetteurs ne l’ont pas signé, et il est si peu contraignant que les textes aujourd’hui prévus par les Etats-Unis ou l’Union européenne ne s’en prennent qu’aux émissions liées à l’énergie, laissant de côté la transformation de notre modèle agricole ;

- les gouvernements s’en prennent enfin aux énergies fossiles !!! Il était temps, ces dernières étant responsables de plus de 80% des émissions de gaz à effet de serre. Mais là encore le bât blesse : 25 pays dont la Grande-Bretagne, le Canada ou les Etats-Unis se sont engagés à mettre fin à tout « nouveau » financement de projets de charbon, pétrole ou gaz « non lié à des technologies de capture et de stockage de carbone »... tandis que 46 pays se sont engagés à sortir du charbon « non lié à des technologies de capture et de stockage de carbone » d’ici 2030, et que la Pologne, pourtant signataire, a déjà indiqué sa poursuite du charbon jusqu’en 2049...

 

La réalité est que, peinant à assurer un changement véritable, les états du monde, les banques et entreprises, multiplient des engagements qui sont absolument nécessaires mais bien trop faibles, et sans gouvernance ni effet contraignant, pour nous remettre véritablement sur la route de l’Accord de Paris. L’objectif du net zéro en 2050 ne sert manifestement qu’un refus d’agir dès aujourd’hui, et dans les quelques années cruciales devant nous pour empêcher l’emballement climatique.

Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, auteur d’un discours fort en 2015 sur « La tragédie des horizons », qui évoquait les risques posés par le dérèglement climatique sur la finance (plus que le contraire), devenu émissaire spécial de l’ONU et toujours vice-président de la mega-pollueuse pétrolière Shell, a annoncé en grandes pompes avoir réuni 450 acteurs financiers au sein de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) représentant 130 000 milliards de dollars en gestion. Les chiffres sont... wow. Pourtant, les fonds de ces acteurs véritablement dirigés vers la lutte contre le dérèglement ne le seraient qu’à hauteur de ... 0,5%, selon le Carbon Disclosure Project. Une vaste opération de greenwashing, en somme. Pour faire bref, parmi les acteurs engagés, on retrouve de mega-financeurs des énergies fossiles comme JPMorgan Chase, BlackRock (l’un des premiers actionnaires de #Total) ou encore la Société Générale et le Crédit agricole. Rappelons d’ailleurs au passage que malgré l’agitation promotionnelle du Ministre français Bruno Lemaire, les banques françaises ont... accru leur soutien aux énergies fossiles ces dernières années ! Cela se passe de commentaires.

 

Mais le pire réside peut-être ailleurs : dans la « compensation ».

Lors de sa table-ronde avec Mark Carney, Greta Thunberg s’est simplement levée, et a claqué la porte. Parce qu’au-delà du greenwashing de la finance, Mark Carney a aussi défendu le déploiement de solutions de « compensation » pour les industries pétrolières (rappel ; Mark Carney est vice-président de Shell). Greta écrit : « La compensation risque de porter atteinte aux droits humains et de nuire à des communautés déjà vulnérables. La compensation est souvent hypocrite, mais elle est partout à la #COP26. Au grand jour, les entreprises et les gouvernements tentent de se jouer de nous, mais nous exposons leurs mensonges climatiques ».

La compensation, qui consiste notamment à acheter des forêts, absorbant le carbone, contre des « permis à polluer », a bel et bien montré toutes ses limites (notamment : l'accaparement des terres de peuples autochtones). Elle est depuis longtemps déjà un chiffon rouge pour mieux maintenir le business as usual des entreprises qui détruisent le climat ; ainsi, si Shell devait compenser ses émissions de CO2, il lui faudrait planter des arbres sur l’équivalent d’une surface grande comme l’Inde ! Et selon le GIEC, la préservation des sols et forêts du monde d’ici 2050 ne pourrait nous permettre que de compenser les émissions incompressibles dans un monde respectant l’Accord de Paris... Ce qui signifie qu’il n’y a en réalité aucune place pour la compensation des émissions liées aux énergies fossiles, dont nous devons simplement nous débarrasser. Le pire, c’est que les multinationales qui détruisent le vivant n’ont peur de rien : en plus de la compensation carbone, elles sont de plus en plus nombreuses à demander la création d’un marché de compensation pour la biodiversité, sans que l’on ne sache bien comment elles articuleront les compensations de leurs deux permis à polluer : climat et biodiversité. Greta a raison : les forces de l’argent utilisent cette COP pour démultiplier les fausses promesses cachant la continuité, ou une réduction bien trop lente, de leurs activités polluantes. Mais nous ne sommes pas dupes. Et nous continuerons à nous battre pour des solutions basées sur la loi plutôt que sur la finance, et une transformation en profondeur de nos sociétés.

Stop aux fossiles. Stop aux écocides.

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